Connaître les principaux pigments pour l'art
Le blanc de titane
Il est présent à l'état naturel dans l'ilménite (pierre noire !). Malgré son abondance, il n'est découvert qu'à la fin du XVIIIe siècle par un minéralogiste anglais, William Gregor. C'est un pigment qui n'eut de reconnaissance qu'au début du XXe siècle car très fortement concurrencé par l'intense blanc de plomb, moins cher.
A partir de 1930, il devient abordable et quasiment incontournable en raison de l'interdiction de pigments toxiques à base de plomb dans la peinture. Il est opaque avec un bon pouvoir couvrant et stable dans le temps. Le dioxyde de titane est le pigment le plus utilisé de tous les temps.
Le blanc de zinc
Le blanc de zinc est un pigment composé d'oxyde de zinc. On peut le trouver à l'état naturel dans un minerai, la zincite, aux couleurs rougeâtres liées à la présence de manganèse. Même si on le connaît depuis le Moyen-Âge, ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle qu'on voit un pigment blanc dans l'oxyde de zinc.
C'est un chimiste français, Bernard Courtois, qui voit en ce pigment une possibilité de remplacer le toxique blanc de plomb. Mais sa première production de masse fut un échec car moins couvrant et bien moins siccatif que le blanc de plomb. Après quelques améliorations, ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle qu'il rencontre ses premiers succès chez les artistes peintres. Le blanc de zinc est le plus transparent de tous les blancs. On le trouve principalement dans la peinture à l'huile. Il est résistant au temps et à la lumière. Il est idéal pour les glacis.
Le magenta
C'est un nom que l'on retrouve sur beaucoup de tubes de peinture mais est-il pour autant un pigment?
Cette couleur est obtenue à l'origine par un colorant de synthèse d'aniline au XIXe siècle. Au fil des années, différents mélanges avec l'aniline permettent de créer de nouvelles couleurs dont une, la fuschine.
Celle-ci est mise au point par un chimiste français en 1858. Elle va changer de nom pour Magenta, en l'honneur de la bataille éponyme.
Le Magenta a séduit les artistes à la fin du XIXe siècle pour sa vivacité. Toutefois, la permanence de cette couleur a posé problème car elle était issue d'un colorant et non d'un pigment. Actuellement, le Magenta que l'on trouve en peinture est un mélange de plusieurs pigments dont la recette dépend de chaque fabricant. En général, il fait partie des couleurs primaires pour les peintures dites "d'étude".
Le jaune de Naples
Dans les temps passés, on le fabriquait à partir de plomb et d'antimoine. Autant dire qu'il était toxique ! Il fut un pigment très rare en peinture jusqu'à la Renaissance italienne où on le redécouvrit.
Préparé à Naples, ce pigment prend le nom de "Jaune de Naples".
Très apprécié des artistes du XVIIIe siècle pour sa nuance proche du jaune primaire. Toutefois, il noircit lorsqu'il est mélangé à des pigments ferreux notamment. Depuis le XIXe siècle, le jaune de Naples n'existe plus sous sa forme originale chez les fabricants de peintures. Il s'agit d'un substitut non toxique imitant parfaitement la couleur initiale. Le jaune de Naples a un très fort pouvoir colorant.
Il peut s'obtenir aussi avec du blanc de zinc, du jaune de cadmium citron et de l'orange de cadmium.
Le bleu de Prusse
C'est un pigment de synthèse à base de ferrocyanure ferrique. Découvert au XVIIIe siècle en Allemagne par hasard, il est le fruit d'un mélange non voulu.
Pour la petite histoire, le découvreur du Bleu de Prusse, Heinrich Diesbach, était un marchand de couleurs rouges. Son pharmacien lui fournit un jour un mauvais ingrédient et Diesbach voit sa préparation tourner au bleu. Un beau bleu qui conquiert les artistes immédiatement.
Certains fabricants de couleurs l'appellent aussi "Bleu d'Anvers", "Bleu de Paris"...
C'est un très beau bleu verdâtre foncé. Mélangé avec d'autres couleurs, il peut prendre le dessus facilement. Il faut donc bien le doser.
Le vermillon
Le vermillon est une couleur rouge vif tirant vers le orange.
Autrefois, il était fabriqué à partir de sulfure de mercure. Sa grande toxicité, reconnue depuis le XVIIIe siècle, l'a condamné à être retiré du marché des couleurs.
A présent, il est issu de mélanges de pigments azoïques, naphtol, cadmium ou pyrrole selon le fabricant.
Le vermillon actuel ne présente aucun danger pour le corps humain.
Résistant à la lumière et opaque, il est intéressant pour sa vivacité en peinture.
Le brun Van Dyck
Cette dénomination désigne un brun foncé tirant sur le noir. Il peut être fabriqué à partir d'oxyde de fer et de noir de carbone mais aussi à partir de brun de manganèse.
Il est opaque et résiste bien à l'exposition à la lumière.
On peut faire soi-même son brun Van Dyck sur la palette en mélangeant du noir d'ivoire à un mauve oxyde de fer ou du bleu de Prusse à un rouge anglais.
L’indigo
L'indigo est un pigment bleu extrait de l'indigotier à ses débuts.
Il était exporté des Indes dès le Ve siècle avant J.C. Durant l'Antiquité, il devient un pigment très prisé par les Grecs et les Romains.
Au XIXe siècle, le chimiste allemand Van Baeyer réussit à le synthétiser. Ce nouvel indigo est commercialisé massivement au début du XXe siècle. Cette découverte ruina le marché indien exportateur de ce pigment.
Aujourd'hui, la couleur indigo peut se faire à partir de terre d'ombre brûlée à laquelle on ajoute un bleu d'outremer et un peu de bleu phtalo.
Le vert anglais
Le vert anglais est une dénomination caractérisant plusieurs teintes de vert. L'une est plutôt claire tirant sur le jaune comme un vert pomme, et l'autre, plus foncée, tire sur le bleu.
Le vert anglais possède une excellente résistance à la lumière et revêt une semi-opacité. Il est composé de vert de phtalocyanine parmi d'autres pigments le composant. Les nuances de ce vert en peinture peuvent varier selon les fabricants.
Caput Mortuum (Tête morte)
Caput Mortuum est un pigment de couleur brun violet issu anciennement de la calcination du sulfate de fer. Il tire son nom du latin car déjà utilisé à l'époque des Romains. Pour les alchimistes du Moyen- Âge, il constituait un résidu de leurs distillations. Caput Mortuum est un reste chimique de matière sans vie, comme "un corps dont l'esprit l'aurait quitté". D'où le nom de Tête morte. Aujourd'hui, on le produit à l'aide d'oxyde de fer synthétique.
Le rouge de quinacridone
Le rouge de quinacridone est un pigment organique de synthèse qui a une nuance qui tire sur le violet.
Il a été synthétisé en 1935 par le chimiste allemand Liebermann. Au milieu du XXe siècle, la famille des quinacridones intéresse fortement l'industrie chimique à la recherche permanente de nouvelles couleurs.
Le rouge de quinacridone est un pigment très vif. Sa transparence le rend intéressant dans les mélanges.
L’ocre jaune
L'ocre jaune est une terre composée d'argile et d'oxyde de fer en petite quantité. C'est un pigment très abondant et très résistant à la lumière. Les hommes de la Préhistoire l'utilisaient déjà dans l'art rupestre. La France a compté de nombreuses carrières d'ocre notamment dans le Roussillon, jusqu'allant même exporter le pigment à l'étranger. Aujourd'hui l'ocre jaune fait indéniablement partie de la palette de l'artiste.
Le bleu outremer
Le bleu outremer de synthèse. Autrefois, pour obtenir un bleu d'une belle intensité, on utilisait le lapis-lazuli.
Toutefois, son extraction à partir d'une pierre semi-précieuse était non seulement difficile mais aussi très chère.
Au XIXe siècle, des chimistes se penchèrent sur la fabrication d'un pigment similaire pour permettre aux artistes de l'utiliser facilement à un prix moins élevé. L'outremer de synthèse arriva sur les palettes à partir de 1830 et donna entière satisfaction aux peintres grâce à sa fidélité au pigment naturel.
La terre de Sienne
La terre de Sienne est composée d'argiles et 5% d'oxyde de manganèse. Ses nuances peuvent varier de l'ocre jaune (naturel) au rouge brun (si calcination).
Comme son nom l'indique, cette terre a été extraite dans la ville de Sienne dans les premiers temps. La réputation de ce pigment est excellente pour la beauté de ses couleurs et sa résistance à la lumière.
Le jaune indien
Le jaune indien a une histoire un peu particulière. Il était fabriqué à partir d'urine de vaches nourries qu'avec des feuilles de manguier. Malheureusement, alimenter les vaches de cette manière était toxique pour elles. Ce mode de production a été progressivement abandonné au XIXe siècle. A présent, le jaune indien est fabriqué à l'aide de pigments organiques de synthèse égalant la couleur originale.
Le noir d’ivoire
Le noir d'ivoire était déjà un pigment utilisé dans l'Antiquité, fabriqué à partir de la calcination de l'ivoire. Le temps passant, cette matière première devient difficile à trouver et on la remplace alors par des os d'animaux. Ce nouveau noir se démocratise au XIXe siècle. C'est en raison de cette origine que l'appellation "noir d'ivoire" est restée pour nommer cette couleur.
La laque de Garance
La garance est une plante dont la racine donne des couleurs rouges. Très appréciée dans l'Antiquité en teinture, elle devient vite utilisée comme pigment malgré la forte concurrence d'autres rouges. Lors de la révolution industrielle, on obtient de la laque de garance de magnifiques couleurs d'un beau rouge vif laqué très apprécié des artistes. Très transparente, elle est idéale pour les glacis.
Le vert oxyde de chrome
C'est un pigment vert tirant vers le jaune avec une légère pointe de bleu. Il se situe entre la Terre verte et le Vert émeraude. Il est synthétisé par un chimiste français, Thénard, au XIXe siècle et amélioré au fil des ans.
Ce pigment est très colorant, couvrant et solide à la lumière. Son opacité est très appréciée des artistes. Toutefois, il est concurrencé par le Vert phtalo qui, en mélange, peut approcher le vert oxyde de chrome. Il est intéressant pour peindre les végétaux.
L’orange pyrrole
La famille des pyrroles est issue de pigments organiques de synthèse donnant une belle gamme de rouges vifs et orange.
En 1974, un chimiste américain, Farnum, isole par inadvertance des composés organiques en faisant des expérimentations de synthèse de particules. Il s'agit de pyrroles. C'est un pigment d'une grande solidité invitant à une belle variation de nuances. En 1986, le pyrrole est commercialisé. Il est solide dans les mélanges et assez couvrant. Il fait partie des pigments modernes.
La terre verte
C'est un pigment de couleur vert-gris, semi-transparent et très solide à la lumière. On l'extrait à partir de la glauconite et de la céladonite près de Vérone en Italie et à Chypre. On sait que la Terre verte était employée à l'époque romaine pour réaliser des peintures murales.
Son faible pouvoir colorant permet de réaliser des fonds discrets notamment pour travailler les carnations en peinture au Moyen- Âge. Jusqu'au XIXe siècle, c'est le seul pigment vert solide connu. L'arrivée d'autres pigments verts de synthèse plus vifs comme le vert de cobalt a fait baisser sa popularité. La Terre verte reste néanmoins un bon pigment peu coûteux notamment pour diluer certaines couleurs trop vives.
L'auréoline
C'est un pigment inorganique de synthèse élaboré par le chimiste allemand Fischer en 1848.
Fabriqué à partir de cobalt (donc coûteux), l'auréoline présente une très belle couleur jaune rougeâtre vive et transparente. Elle fut utilisée par les peintres à la fin du XIXe siècle en aquarelle et en peinture à l'huile. Ce pigment fut très apprécié pour remplacer le jaune indien devenu interdit en raison de sa méthode de production. En effet, le jaune indien était obtenu par l'urine de vaches intoxiquées à la feuille de manguier. L'auréoline est un rare pigment encore disponible chez certains fabricants de couleurs sous sa préparation originale.
Le turquoise de cobalt
C'est un pigment d'un bleu-vert très vif. Le mot "turquoise" apparaît au XIIIe siècle, dérivé de "turc" car les Turcs savaient faire de très beaux bleus-verts. Il aurait été développé au cours du XIXe siècle mais c'est à partir de 1920 qu'on lui trouve une application en céramique et porcelaine. Le turquoise de cobalt est assez coûteux mais possède de grandes qualités : il est très résistant à la lumière, compatible avec d'autres pigments toutes techniques confondues (note: il a tendance à être siccatif dans la peinture à l'huile).
Le jaune citron
C'est l'une des nuances issue du jaune de cadmium. Le cadmium a été découvert au XIXe siècle par le chimiste allemand Stromeyer. Il nota que l'un des sous-produits de la fabrication du zinc était un métal de couleur jaune. Celui-ci prit le nom de "cadmium". Après plusieurs manipulations, Stromeyer obtint un sulfure de cadmium d'un jaune très vif. Cette couleur fut énormément utilisée par Claude Monet dans ses peintures.
Le jaune citron est un pigment très lumineux, opaque, puissant et stable dans le temps. Il se mélange à toutes les couleurs sans risque.
Le bleu de céruléum
Nommé également "bleu céleste" ou "bleu ciel", ce pigment est issu du stannate de cobalt. Bien que connu dès le XVIIIe siècle, il ne fut redécouvert qu'en 1860. D'abord commercialisé comme couleur aquarelle par Rowney, il devient une couleur à l'huile dans les années 1870.
Le bleu de céruléum est un bleu tirant sur le vert. Il possède un bon pouvoir couvrant et colorant. De plus, il reste solide à la lumière.
Il est très adapté à la peinture des ciels clairs et lumineux.
Le Noir de Mars
Oxyde de fer noir artificiel, c'est le plus couvrant de tous les noirs. De fait, il a tendance à dominer les mélanges notamment dans la peinture à l'huile. Il est un peu plus froid que les autres noirs.
Il a été découvert au début du XXe siècle par un industriel allemand et prit son essor à partir de 1930.
Pourquoi noir de "Mars"? Tout simplement parce que le fer a toujours été associé au dieu Mars. Ce pigment possède également de grandes qualités colorantes et il reste solide à la lumière. Un incontournable !
L’ocre rouge
C'est un pigment que l'on trouve naturellement dans les terres argileuses contenant des oxydes de fer ou de manganèse. Les ocres se déclinent en plusieurs nuances : jaune, rouge et brun, selon le degré de cuisson qu'on leur applique.
L'ocre rouge était déjà utilisé à la Préhistoire dans des peintures rupestres comme à Lascaux. Ce pigment rouge-orangé est fixe dans le temps, moyennement colorant et assez transparent. En peinture à l'huile, il offre de beaux glacis.
En aquarelle, comparé à d'autres oxydes de fer, il amène plus de transparence.
Le vert Véronèse
Pigment vert tirant sur le jaune, il est composé de vert phtalocyanine et de blanc de zinc. Par le passé, il était fabriqué à partir d'arséniate de cuivre, poison extrêmement toxique, devenu interdit dans la fabrication de peinture. On l'appelle vert "Véronèse" en souvenir du peintre italien Paul Véronèse (XVIe siècle) dont les verts étaient particulièrement admirés par ses pairs.
C'est un pigment que l'on retrouve uniquement dans les nuanciers d'huile, assez proche de l'émeraude.
Terre d'ombre naturelle
Cette terre est composée d'argile, d'oxyde de fer et possède une quantité importante d'oxyde de manganèse. Elle fait partie des pigments les plus utilisés sur la palette de l'artiste depuis la Préhistoire. Pourquoi l'appelle-t-on "ombre"? C'est tout simplement en référence à la région italienne où elle était extraite au départ : l'Ombrie.
Elle présente une couleur d'un brun verdâtre tirant sur le brun foncé. La terre d'ombre naturelle est transparente avec une semi-opacité et une très bonne résistance à la lumière. Dans la peinture à l'huile, elle siccative facilement. Elle présente une certaine granulosité en aquarelle.
Bleu de cobalt
Ce pigment d'un bleu intense a été découvert au début du XIXe siècle par le chimiste français Thénard. Composé d'aluminate de cobalt, il présente un bleu d'une teinte très pure qui a été très appréciée des impressionnistes pour peindre les ciels.
Le bleu de cobalt possède une excellente résistance à la lumière. Il est transparent et s'adapte à toutes les techniques de peinture. Relativement onéreux, il est concurrencé par le bleu céruléum moins cher. Toutefois, en raison de son excellente stabilité, il reste privilégié par les artistes.
Noir pour fresque
Ce pigment spécifique est composé de carbone de fumée. Il est privilégié pour la peinture a fresco.
La fresque est un procédé qui consiste à déposer des pigments sur des fonds d'enduits à la chaux encore humides. Cet art remonte au IIIe siècle avant JC et reste présent de nos jours.
Pour réaliser une fresque, l'artiste doit être rapide et adroit pour appliquer le pigment sur un enduit humide qui est en train de sécher. Le noir pour fresque est très stable à la lumière et semi-opaque. Il peut être utilisé sur d'autres techniques de peinture mais reste particulièrement privilégié pour l'art de la fresque.
Rouge Hélios
C'est un pigment rouge synthétisé à partir de la toluidine. Inspiré par les besoins des impressionnistes dont Cézanne, Gustave Sennelier crée ce rouge vif très intense et très lumineux au début du XXe siècle. Il se nommera le Rouge Hélios (comme le dieu du Soleil). Ce rouge sera un des tons utilisés par l’école post-impressionniste.
Son pouvoir colorant est très élevé et sa tenue à la lumière moyenne. Il s'utilise dans toutes les techniques artistiques : aquarelle, huile, acrylique, gouache, sauf la fresque.
Vert émeraude
C'est un pigment composé d'oxyde de chrome hydraté. Au début du XIXe siècle, c'est Pannetier qui l'élabore en gardant le secret de sa recette. En effet, il souhaitait en conserver l'exclusivité commerciale. A partir de 1860, une fois disponible à plus grande échelle, il conquiert rapidement les artistes car il est idéal pour les glacis.
D'un vert foncé intense tirant vers le bleu, il a une excellente résistance à la lumière et offre une belle transparence. Il est conseillé pour toutes les techniques en évitant toutefois les couches très épaisses.